Le Cambodge est-il l’un des meilleurs endroits au monde pour investir en 2022 ?
La croissance du PIB du Cambodge en 2022 devrait se situer entre 5,2 %, selon les derniers chiffres de la Banque nationale du Cambodge, ou 6,3 % selon S&P Global Rating, soit l’une des projections les plus élevées de la région. Cela fait du Cambodge l’une des économies à la croissance la plus rapide au monde.
Selon les CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) les flux d’IDE (investissements directs étrangers) entrants au Cambodge sont restés stables en 2020 à 3,6 Mds USD et ont augmenté de 22% en 2021 malgré la crise de la pandémie. Enfin, selon le ministère de l’Industrie, quelque 112 nouvelles usines, cumulant un investissement total de 1,19 milliard de dollars américains, ont ouvert au Cambodge au cours des sept premiers mois de 2022, et le Conseil pour le développement du Cambodge a donné son feu vert à un total de 123 projets d’investissement d’une valeur de près de 3,3 milliards d’USD entre janvier et août (construction d’usines de fabrication de vêtements, de sacs, de chaussures, d’équipements touristiques et d’emballages de fruits, entre autres.)
Souvent victime d’une image négative, véhiculée par trente ans de guerre civile, le Cambodge tente désormais de peser face à ses voisins thaïlandais et vietnamien. Le pays a quelques atouts à faire valoir: aucun secteur de l’économie n’est interdit aux investisseurs étrangers, qui peuvent être propriétaires à 100 % de leur filiale, et surtout le marché reste une porte d’entrée stratégique sur le grand marché de l’Asie Pacifique.
Du coup, on assiste à une opération séduction à Phnom Penh… La capitale cambodgienne dévoile maintenant un nouveau visage : celui d’une capitale asiatique en plein développement, où fourmillent les opportunités. «Notre objectif est de montrer que le Cambodge est un marché de plus en plus mature, où une entreprise française peut facilement s’implanter pour croître localement ou rayonner sur le marché régional», explique Soreasmey Ke Bin, LE président de la chambre de commerce (CCI) locale.
De grands groupes internationaux comme Décathlon, Peugeot, Pernod Ricard, 7 Eleven, Pizza Hut, Bose, …, ont déjà décidé de développer leurs activités au Cambodge, mais pour mieux comprendre pourquoi deux des plus prestigieux cabinets de conseil du monde (KPMG et Deloitte) ont ciblé le Cambodge comme l’une des meilleures destinations en termes d’investissement en 2022 et quels sont, sur place, les secteurs porteurs et d’avenir, nous avons demandé leurs avis à Laurent Evrard, qui gérait le portefeuille de grosses fortunes européennes pour la Banque Internationale du Luxembourg, et Ratana Phurik-Callebaut, administratrice indépendante de la banque ACLEDA, consultante senior spécialisée dans le développement du secteur privé, l’investissement et la finance au Cambodge.
Donnez nous deux raisons pour investir aujourd’hui au Cambodge :
Laurent Evrard : «Le climat de morosité actuel oblige les investisseurs à diversifier une partie de leur patrimoine pour se protéger. En contraste par rapport à l’Europe, l’économie cambodgienne continue de croître et le royaume va réussir en 2022 à maintenir une croissance aux alentours de +5% grâce notamment aux flux d’IDE et à un programme stratégique et massif d’investissement public dans de nombreux chantiers d’infrastructures (2 nouveaux aéroports, port en eau profonde, autoroutes, ponts sur le Mekong…) Ensuite le Cambodge est considéré comme “user friendly” pour les investisseurs étrangers, avec un climat des affaires extraordinairement porteur. Par exemple, le gouvernement cambodgien a promulgué des lois qui permettent aux investisseurs étrangers d’être traités sur pieds d’égalité par rapport aux investisseurs locaux : autorisation aux étrangers d’être propriétaire à 100% d’une société cambodgienne, égalité de traitement pour les Licences, permis et accès aux subsides… Autre exemple, le gouvernement cambodgien a compris l’importance pour les investisseurs étrangers de sécuriser leurs investissements dans des terrains, en instituant une loi sur les Trusts qui acquièrent des terrains pour le compte d’investisseurs étrangers, en toute sécurité juridique pour ces derniers.»
Ratana Phurik-Callebaut : « La croissance exceptionnelle du Cambodge doit être mise en avant. Elle devrait atteindre 5,3 % en 2022 et dans le cadre de cette pleine croissance, tous les domaines sont en développement. »
Deux secteurs privilégiés pour investir aujourd’hui au Cambodge?
Laurent Evrard : «Sur le volet gestion patrimoniale privée, le secteur à privilégier aujourd’hui au Cambodge est le secteur immobilier, soit via l’acquisition de terrains à bâtir, soit via de la promotion immobilière. En intégrant une prime de risque pour les investisseurs qui continuent de penser qu’il subsiste encore aujourd’hui un risque Pays, il est tout à fait possible, avec un bon accompagnement local, d’identifier des opportunités d’investissement qui permettent de doubler son investissement, à effet de change constant, sur un horizon court de 3 à 5 ans maximum, et cela de façon totalement sécurisée pour un investisseur européen.
Sur le volet business, le bon sens économique impose de sélectionner un secteur d’activité qui est aligné avec le plan stratégique long terme du gouvernement cambodgien, afin de pouvoir bénéficier des incentives tels que le Tax Holiday qui peut durer jusqu’à 9 ans, accéder aux programmes d’amortissement accéléré et aux divers subsides. A titre personnel, si je devais choisir un secteur privilégié, j’investirais dans le secteur agricole, en particulier dans des technologies / outils permettant d’améliorer la gestion de la chaine d’approvisionnement et d’augmenter fortement la distribution des produits agricoles sur les marchés étrangers. Tout ce qui permettra d’améliorer la traçabilité des produits agricoles, le contrôle qualité, mais aussi le stockage (ex : entrepôts frigorifiés) est intéressant à regarder. Le gouvernement ayant largement investi dans les infrastructures routières et maritimes au cours de ces 2 dernières années de pandémie, je pense que le secteur privé peut regarder à son tour ce secteur très prometteur au Cambodge. »
Ratana Phurik-Callebaut : «Tous les secteurs peuvent être attractifs. Les grosses infrastructures ont par exemple une carte à jouer dans l’énergie et l’agriculture, quant aux entrepreneurs, l’environnement des services est porteur, comme celui des services à la personne. La production de contenu éditorial n’est pas à négliger. Notons également l’ensemble des activités autour de l’efficacité énergétique car commence une prise de conscience au Cambodge sur l’urgence climatique de la part des acteurs privés et institutionnels. »
Deux erreurs à ne pas faire si l’on souhaite investir au Cambodge ?
Laurent Evrard : « La population cambodgienne est majoritairement Khmer. C’est un peuple bouddhiste très accueillant, souriant et fiers. Ce serait une grave erreur que l’investisseur Français les considère avec mépris et de façon hautaine, comme au temps du protectorat Français envers l’ancienne Indochine. Il est important de créer de solides amitiés avec des locaux, et aussi de leur montrer que l’on s’intéresse à leur culture, à leur langue et à leur histoire, sous peine de solides désillusions.
Seconde erreur à éviter : Vouloir aller trop vite pour lancer une aventure entrepreneuriale ou un investissement au Cambodge. Il est très important de bien prendre son temps à observer, rencontrer et prendre conseil auprès de professionnels locaux et expatriés, ainsi qu’auprès de la chambre économique franco cambodgienne. Avoir du discernement est important également car les rencontres professionnelles se font beaucoup plus facilement qu’en Europe, et le pays regorge d’imposteurs et de faux hommes d’affaires qui n’ont pas forcément de bonnes intentions à votre égard. Restez donc vigilants! »
Ratana Phurik-Callebaut : « Certains ont tendance à venir insuffisamment préparés. Le Cambodge donne parfois, et à tort, une impression de facilité où tout est possible. Des attentes exorbitantes sont engendrées. Il faut savoir être patient et ne pas se laisser emballer par cette fausse image.
L’autre erreur à ne pas commettre est de mal utiliser le réseau. Il est certes facile de se construire un réseau et de rencontrer les acteurs du monde des affaires et institutionnels mais il faut être prudent et intelligent et ne pas se faire repérer pour les mauvaises raisons. Le réseau est un formidable accélérateur pour une entreprise mais c’est aussi un facteur de déstabilisation. Prudence donc ! »